La libéralisation des liaisons grande distance par car est déjà une réalité et un succès alors que les nouvelles mesures relatives aux gares routières n’existent encore que sur le papier ou presque.

 

Parce que l’intermodalité figure au premier plan des attentes des usagers et des politiques de mobilité, les gares routières sont un maillon clé des réseaux de transports publics. Elles restent souvent un objet urbain mal aimé. Sources de nuisances visuelles, sonores et olfactives, dimensionnées pour des pics de fréquentation qui ne durent que quelques minutes le matin et le soir, elles mobilisent de vastes emprises, dans des secteurs souvent stratégiques où le foncier est convoité pour d’autres usages jugés plus nobles. Il faut reconnaître que ces griefs ne sont pas tous infondés. De plus, peu de gares routières font aujourd’hui l’objet d’une gestion organisée. Leur fonctionnement ne repose souvent que sur la bonne volonté des multiples intervenants (autorités organisatrices de la mobilité, collectivités locales, transporteurs, exploitants), hors de tout cadre technique, juridique et financier.

 

Depuis le 29 janvier dernier, en application de la loi Macron, une nouvelle ordonnance[1] remplace celle de 1945 pour adapter le cadre juridique des gares routières à la libéralisation du marché de l’autocar longue distance. Son objectif est de garantir l’accès aux gares routières de tous les opérateurs de ces nouvelles lignes : un changement qui n’est pas anodin au vu du contexte décrit plus haut.

Les exploitants ont deux mois à partir de l’entrée en vigueur de cette ordonnance pour déclarer à l’Arafer[2] les gares routières susceptibles d’accueillir des lignes longue distance, décrire les règles d’accès aux équipements déclarés et mettre en place une comptabilité dédiée. Ambitieux programme, alors que le registre public des gares routières, tenu par l’Arafer, est encore en construction. Permettant aux transporteurs de connaître l’offre, il recense à ce jour près de 130 gares routières[3]. Parmi elles, certaines connaissaient d’importants problèmes de saturation lorsque nous avons eu l’occasion de travailler dessus encore assez récemment.

 

Des évolutions institutionnelles majeures s’ajoutent à la libéralisation du transport routier, en particulier le transfert de compétence aux Régions pour les gares routières départementales. Chaque région doit élaborer un schéma régional des gares routières, intégré au schéma régional de l’intermodalité. Encadrant l’action des collectivités locales, il identifie les pôles d’échanges stratégiques pour l’accueil des lignes de car longue distance et fixe les objectifs d’aménagements nécessaires à l’intermodalité.

 

Il faut bien le reconnaître, ces dispositions récentes soulèvent encore beaucoup de questions. Quelles gares routières sont concernées ? Sont-elles dimensionnées pour accueillir de nouvelles lignes ? Qui est l’exploitant de la gare routière ? Quelle autorité organisatrice de la mobilité est compétente ? Qui paie quoi à qui ? Les collectivités qui se retrouvent soudain confrontées à l’arrivée de nouvelles lignes de car doivent réagir pour assurer a minima la sécurité des usagers et le fonctionnement quotidien de gares routières qui n’ont pas été conçues pour accueillir toutes ces lignes.

 

C’est une nouvelle perspective qui s’ouvre pour repenser à la fois la gestion et la conception des gares routières : offrir aux usagers tous les services liés à l’intermodalité, désigner un exploitant qui en assure toutes les facettes, clarifier les responsabilités techniques, financières et juridiques, concevoir de nouveaux aménagements évolutifs, adaptables aux variations de l’offre, intégrés à l’espace public et à leur environnement urbain, offrant une plus large place aux piétons.

 

Camille Kertudo


[1] Ordonnance n° 2016-79 du 29 janvier 2016 relative aux gares routières et à la recodification des dispositions du code des transports relatives à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières
[2] Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières
[3] La base de données peut être consultée en ligne : http://www.arafer.fr/les-autocars/gares-routieres/registre-public-et-carte-interactive-des-gares-routieres/