L49_illucath2Il était une fois une loi A [1] qui s’intéressait aux documents d’urbanisme et obligeait les SCoT [2] à s’inscrire sur plusieurs EPCI [3], pour une vision élargie des projets de territoire. Une fois le SCoT approuvé, chaque EPCI ou commune devait le traduire en PLUi [4] ou en PLU.

Puis, survint une loi B [5] qui s’intéressait aux compétences et périmètres des EPCI et qui rendait de nouveau possible la réalisation d’un SCoT sur un seul EPCI.

Dans une situation idéale, les lois A et B se complètent : d’abord, par l’élaboration d’un SCoT intégrateur qui prend le temps de la stratégie, des grands objectifs et des prescriptions pour le futur PLUI… qui, dans un deuxième temps, travaillerait de façon plus opérationnelle, au plus près du terrain. La loi A a d’ailleurs bien prévu que l’existence d’un SCoT soit la condition pour ouvrir de nouvelles zones à urbaniser dans les PLU et PLUi [6], y compris dans le cas d’un EPCI doté d’un SCoT devenu incomplet suite à l’extension de son périmètre (demandée par la loi B).

L’histoire devient (presque) drôle quand le maître d’ouvrage souhaite établir simultanément le SCoT et le PLUi sur son périmètre, demande qui semble se développer, dans un souci d’économie et de rapidité d’application du futur PLUi. Quelles sont les conséquences d’une telle démarche ?

D’abord le calendrier pose question. Pour que le PLUI soit compatible avec le SCoT, clé des nouvelles zones AU, celui-ci doit être déjà approuvé au moment de l’arrêt du PLUI : les services de l’Etat et autres personnes publiques associées ne peuvent pas s’appuyer sur un futur SCoT pour juger de la compatibilité du PLUi sans risquer le vice de forme.

La mutualisation recherchée ne peut donc pas être totale mais elle existe néanmoins. Les diagnostics de SCoT et de PLUi sont similaires sur de nombreux points, permettant une économie d’échelle. Ensuite, pour l’élaboration simultanée des deux Projets d’Aménagement et de Développement Durable (PADD), on peut estimer que leur contenu peut être identique au moins à 80% : autre économie.

Pour les phases suivantes, la simultanéité du SCoT et du PLUi appelle des points de vigilance : outre la nécessité de donner un temps d’avance au SCoT pour l’approuver avant d’arrêter le PLUi, se pose la question de la nature du travail imposé. En effet, la réalisation parallèle du Document d’Orientations et d’Objectifs du SCoT et des outils règlementaires du PLUi (zonage, règlement, OAP[7]), même s’ils sont au service d’un seul projet de territoire (les deux PADD très proches), appelle un volume de travail très important et complexe pour les élus, les services et les bureaux d’études. Riche d’itérations, d’échanges et de prescriptions appliquées « en direct », les réflexions et validations attendues rendront probablement délicate voire peu pertinente la mutualisation de toutes les réunions ou la réduction de leur nombre.

Se pose aussi la question de la concertation : une réunion publique peut-elle être acceptée à la fois au titre du SCoT et du PLUi ? Ou bien par précaution juridique, convient-il de la dédoubler pour que chaque démarche puisse répondre à ses propres modalités de concertation ? Le cas peut notamment concerner le diagnostic et les enjeux du territoire, ainsi que les deux PADD.

Pour conclure, il semble évident que les évolutions croisées (ou au contraire non croisées) du code de l’urbanisme et du code général des collectivités territoriales n’ont pas pris en compte de tels cas, sauf à dire à ces EPCI d’attendre avant de faire un PLUi.

Et que dire lorsque les maîtres d’ouvrage souhaitent associer au SCoT et au PLUi un Document d’Aménagement Artisanal et Commercial, le Programme Local de l’Habitat, un Plan de Déplacements Urbains, un Plan Climat Air Energie Territorial, une étude des zones humides, etc.

Les contraintes sont de plus en plus lourdes pour les collectivités, d’où la tentation de s’y mettre une bonne fois pour toutes, avec des économies potentielles à la clé. Mais vient un moment où une usine à gaz n’est peut-être pas non plus la solution la plus pertinente.

N’y a-t-il pas encore des marges de manœuvre pour de vraies simplifications ? Nous en sommes persuadés et continuerons d’être force de proposition auprès de nos maîtres d’ouvrage. Un pour tous, tous pour un !

 

Catherine BROWN


[1] Loi ALUR pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, du 24 mars 2014
[2] Schéma de Cohérence Territoriale
[3] Etablissement Public de Coopération Intercommunale
[4] Plan Local d’Urbanisme Intercommunal
[5] Loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale de la République, du 7 août 2015
[6] Article L142-4 du code de l’urbanisme.
[7] Orientation d’Aménagement et de Programmation