Promulguée le 27 janvier 2017, la loi Egalité et Citoyenneté a pour objectif de « casser les logiques de ségrégation[1] » en conciliant l’égalité des chances et la mixité sociale. L’un des leviers pour y parvenir est la politique du logement social.

Cette loi, dans la continuité des textes précédents (loi ALUR[2] et loi Ville[3]), conduit à des ajustements, à la fois sur le développement du parc de logements sociaux[4] et sur le parc existant. Pour intervenir sur l’existant, la LEC réforme les attributions de logements sociaux.

Cette loi affiche un objectif d’ « équité territoriale » qui se traduit notamment par l’accès des ménages les plus modestes aux logements situés dans les quartiers dits attractifs, à savoir ceux qui ne font pas partie du périmètre d’un quartier prioritaire. Pour préciser cet objectif, le législateur considère que les plus modestes sont les demandeurs dont les ressources sont inférieures à celles du premier quartile des inscrits au sein du fichier SNE[5].

 Pour y parvenir, la LEC redéfinit les responsabilités et les rôles des différents partenaires, au premier rang desquels se trouvent les acteurs de l’habitat social et les communes, dans une logique de solidarité intercommunale. La loi confirme le positionnement de l’intercommunalité, qui devient chef de file en matière d’attributions. C’est désormais à cette échelle que seront fixées les grandes orientations du territoire en matière de mixité sociale, par le biais de la Conférence Intercommunale du Logement (CIL), rendue obligatoire dans tous les territoires disposant d’un PLH[6], ou d’une compétence habitat et d’un QPV[7].

La mixité sociale, l’affaire de tous

L53_lec1Au cœur du processus d’attribution, chaque réservataire de logements sociaux est désormais responsabilisé dans l’accueil des ménages modestes : 25% des attributions réalisées sur chaque contingent y seront dédiés. L’accueil des plus démunis n’est plus seulement l’objet du contingent préfectoral.


Des objectifs quantitatifs pour les attributions

Pour renforcer la mixité sociale par les attributions, le législateur impose, outre celui des réservataires précédemment cité, deux autres quotas.

Celui des territoires hors QPV, où 25 % des attributions sont désormais réservées aux plus pauvres, s’assurant ainsi de leur accès au parc locatif social en dehors des quartiers prioritaires.

Et celui des quartiers prioritaires, qui, à défaut d’orientations définies par la CIL, sera fixé à 50 % : il a vocation à limiter l’accueil des plus modestes dans les quartiers les plus pauvres. Ces deux quotas feront l’objet de modulations locales dans le cadre de la CIL, afin que soient prises en considération les spécificités locales.

 Des outils pour décliner la politique de mixité sociale

La mise en œuvre de ces quotas ne nécessite pas seulement des ajustements dans les pratiques d’attribution, elle implique des évolutions majeures dans l’organisation du parc locatif social. Si les bailleurs logent plus facilement des ménages modestes dans les QPV, c’est parce que s’y concentrent les loyers les plus bas. Or, tel qu’il est configuré, le parc locatif social ne permet pas de baisser les loyers des logements situés en quartiers « attractifs » pour favoriser l’accueil de ménages modestes. Par conséquent, le législateur propose une Nouvelle Politique des Loyers (NPL). Celle-ci permettra un ajustement des loyers, à masse de loyers plafonds constante, qui sera retranscrit dans les CUS[8].
Si l’accueil des plus modestes dans les quartiers attractifs devrait être facilité par la NPL et la bonne volonté des élus et partenaires locaux, les attributions de logements aux ménages les plus solvables dans les QPV seront bien plus complexes à mettre en œuvre. Les effets de cette réforme seront variables selon les territoires et la tension du marché local de l’habitat. La mixité sociale « par le haut », par l’apport de populations plus aisées, ne s’impose pas et en dehors des territoires les plus tendus, les ménages les plus solvables disposent du choix de se loger en dehors du parc social. Tant qu’un QPV souffre d’un fort déficit d’image, il est très difficile d’y proposer des logements à des ménages qui ont le choix. En territoire détendu, cette réforme pourrait conduire à l’augmentation de la vacance dans un parc déjà fragilisé. La LEC propose d’autres outils visant à favoriser l’équité dans l’accès au parc social attractif, s’attachant ainsi à favoriser la mixité sociale hors des quartiers. Cependant, ces mesures n’ouvrent que peu de perspectives d’amélioration de la situation dans les quartiers prioritaires et questionnent sur les réelles marges de manœuvre en matière de peuplement dans les QPV.

Marie-Mélodie Baralle

[1] Référence aux termes employés dans la présentation de la loi Egalité et Citoyenneté sur le site du gouvernement, www.logement.gouv.fr
[2] LOI n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové
[3] LOI n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine
[4] Notamment en termes de localisation de l’offre, par la redéfinition des critères d’éligibilité à la loi SRU
[5] Enregistrés sur le Système National d’Enregistrement de la demande, à l’échelle intercommunale (régionale pour l’Ile-de-France)
[6] Programme Local de l’Habitat
[7] Quartier Politique de la Ville
[8] Convention d’Utilité Sociale, qui a pour objectif de préciser la politique patrimoniale et d’investissement de l’organisme HLM, la politique sociale, et la qualité de service rendu aux locataires.