Au cours de la deuxième moitié du XXème siècle, l’étalement urbain, rendu possible par les infrastructures routières et les vitesses élevées, a largement caractérisé le développement des villes. Les années 2000 témoignent de l’apparition d’un nouveau modèle urbain, orienté vers le développement durable, l’accessibilité et la proximité.

L’émergence de la proximité dans le débat sur la ville

Dans l’aménagement du territoire, nous passons aujourd’hui d’une logique d’optimisation des réseaux de transports, au service de la fluidité et de la rapidité, à une logique de mobilité multimodale, privilégiant l’accessibilité ordinaire, au service de la qualité de vie. Ce nouveau paradigme urbain participe à l’impératif de développement durable des territoires. Il implique de repenser le rapport à la proximité : l’amélioration de l’accessibilité aux destinations quotidiennes passe souvent par un rapprochement géographique de ces destinations. Dans ce cadre, les mobilités actives s’imposent, tandis que l’usage de la voiture individuelle diminue.

Dans leur manière de penser la ville, les acteurs de la mobilité et les urbanistes devront prendre en compte l’émergence de nouvelles aspirations. L’étude Modes de vie et mobilité désirés du Forum Vies Mobiles montre que les modes de vies de demain seront motivés par une prise de conscience écologique, par le souhait de ralentissement du rythme de vie et par un désir de proximité de la nature. Réduire les temps passés à se déplacer au quotidien apparait alors comme un des facteurs essentiels à la satisfaction de ces aspirations. Ainsi, la proximité semble être le maître mot : le travail, tout comme les commerces et la nature devraient se trouver à proximité du domicile.

Réintroduire la proximité dans l’aménagement urbain

La ville de proximité implique une inversion du regard : au lieu de répondre à la demande de mobilité en développant l’offre de transport, il s’agit de mieux gérer ces besoins. L’étude Ville Cohérente, de Jean-Pierre Orfeuil, imagine une Région Ile-de-France dans laquelle tous les ménages se trouvent à 30 minutes maximum de leur lieu de travail. Cette étude montre que 70% des ménages sont déjà bien localisés. Quant aux autres, la principale raison de l’éloignement est la concentration de l’emploi. Pour parvenir à la ville cohérente, il faudrait réaffecter les trois quarts des ménages dans des logements existants et construire des logements neufs pour un quart des ménages restants. Les résultats seraient très positifs : – 30% d’occupation des transports collectifs (désaturation), -10% de trafic, réduction du temps de parcours, hausse de l’usage des modes actifs. Mais, surtout, cette étude montre que l’éloignement n’est pas une fatalité. Même dans une métropole où l’emploi reste très concentré, rapprocher les personnes de leur lieu d’emploi ne semble pas impossible.

Dans son livre Closer Together, l’urbaniste suédois Alexander Stahle étudie plusieurs scénarios pour la ville du futur. Deux apparaissent comme souhaitables : la « techno-ville », où les nouvelles technologies contribuent au développement durable, et l’« éco-ville », où les contraintes énergétiques conduisent à un développement compact, vert et libre de voitures. Le futur sera probablement fait d’une combinaison entre ces deux modèles.  Comment atteindre une ville où technologie et écologie se conjuguent au service de la qualité de vie ? Les principales mesures concernent d’abord la voiture : réaménagement des rues, réduction des vitesses, restriction de la circulation, voiture partagée. Mais d’autres mesures semblent aussi nécessaires : pistes cyclables, relocalisation des services urbains, parcs publics, etc. Ces mesures privilégient les déplacements apaisés et la vie locale.

 Comment les villes favorisent-elles la proximité ?

Aujourd’hui, plusieurs agglomérations mettent en place des stratégies pour atteindre cet idéal de proximité. A titre d’exemple, Bordeaux Métropole et La Poste ont expérimenté la « métropole du quart d’heure », consistant à mettre à disposition des habitants tous les services du quotidien à l’échelle de leur quartier. Barcelone quant à elle développe les « super-ilots », consistant à fermer des secteurs de la ville (grille de 3×3 ilots) à la circulation automobile, tout en réaménageant les rues internes pour promouvoir la mobilité active.

Ce type de stratégies permet de retrouver l’échelle du quartier, y compris dans des métropoles vastes et peuplées. Elles incitent à penser l’organisation des déplacements sur de courtes distances, associées à un aménagement qualitatif des espaces publics, afin de leur redonner sens et valeur. Le développement de la marche et du vélo ne vont pas de soi dans des villes aménagées d’abord pour la voiture. La boulangerie installée dans un centre commercial, entourée d’un vaste parking et facilement accessible en voiture, n’incite pas aujourd’hui à changer les habitudes de tout un chacun, même s’il en a envie. Seule une réelle stratégie d’aménagement du territoire, accompagnée d’une requalification des espaces publics, pourra initier ces changements.

Un retour à la ville humaine ?

La ville de proximité répond aux aspirations des citoyens et à l’impératif de développement durable. Ce modèle ne représente pas nécessairement une révolution urbaine, mais plutôt une réapparition de la ville à taille humaine et un retour au fondement même de son existence : l’intensité de l’interaction sociale.

Pauline Marchal et Pablo Carreras

 

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