Vous êtes directeur de l’Union Sociale pour l’Habitat de Bourgogne (USHB), une association régionale qui regroupe 21 organismes HLM. Quelle est sa vocation ?

L’union Sociale pour l’Habitat s’organise en cinq fédérations : celle des Offices Publics de l’Habitat, celle des Entreprises Sociales pour l’Habitat, celle des Sociétés Coopératives d’HLM, celle de l’Union d’Economie Sociale pour l’Accession à la Propriété et enfin la Fédération des Associations Régionales HLM, dont l’USHB est membre. Ces dernières constituent l’organisation territoriale du mouvement HLM, calée sur les frontières régionales. Une réorganisation est en cours pour s’aligner sur les périmètres des nouvelles régions. Plus difficile à faire qu’à dire !

L’USHB assure l’animation du réseau des professionnels des organismes HLM présents en Bourgogne. Une grande diversité de métiers le constitue : de la maitrise d’ouvrage à la gestion locative, avec, ces dernières années, un renforcement du rôle des organismes HLM en faveur de la cohésion sociale. Les rôles de constructeur et gestionnaire de logements ont été complétés dans le cadre de la politique de la ville, par la gestion urbaine de proximité et des actions sociales conduisant à des partenariats très divers. On retrouve aujourd’hui cette évolution des métiers en milieu rural, où les problématiques sociales sont de plus en plus prégnantes. Faire vivre le réseau, c’est aussi faire le lien avec le national, pour recevoir de l’information, participer aux réflexions et projets conduits par le mouvement Hlm, mais aussi pour faire remonter nos réalités territoriales qui peuvent être très spécifiques.

L’autre mission phare d’une association régionale telle que l’USH B est la représentation auprès des pouvoirs publics, en particulier à l’échelle régionale. Rappelons que le parc social loge environ 15% des ménages en France.

Au-delà des missions formelles, comment concevez-vous votre rôle ?

On peut concevoir le rôle d’un AR HLM[1] de différentes façons, en l’envisageant par exemple comme une courroie de transmission, un relais technique entre le national et le local. De mon point de vue, ce qui rend passionnant le travail en AR HLM, c’est de faire vivre le mot « mouvement » et s’exprimer la complexité des réalités territoriales, comme nous l’avons fait avec la production du « Manifeste pour une autre politique de l’habitat dans les territoires dits « détendus » »[2]. Il s’agit de développer avec le réseau des professionnels locaux une approche transversale, de nature à éclairer les enjeux auxquels sont confrontés les organismes HLM sur le terrain. Il ne s’agit pas seulement de mettre en œuvre les évolutions règlementaires, il s’agit aussi de construire une vision au niveau du Conseil d’administration de l’USHB et de développer un projet local, impliquant des choix politiques.

Quels sont les sujets qui font votre actualité ?

Il y a bien sûr les grands sujets nationaux que sont la transition énergétique ou la mise en œuvre des évolutions introduites par la loi Egalité et Citoyenneté en matière de gestion de la demande et des attributions de logements sociaux.

Côté USHB, dans la continuité du Manifeste, l’un des questionnements approfondis actuellement est celui de l’évolution des modèles économiques en articulation avec les territoires. Le monde HLM dispose d’une vraie assise au plan économique, il est bien identifié par les élus locaux et constitue pour l’Etat un levier relativement facile à activer. Mais cette solidité économique est toute relative, a fortiori dans les contextes de marché détendus. Plusieurs fragilités viennent questionner le modèle. L’équation coût de production et de gestion des logements /niveaux des loyers n’est plus équilibrée et la paupérisation des locataires la fragilise chaque jour.

Un autre sujet est celui des évolutions démographiques : les organismes sont face à la nécessité d’une évolution géographique et de la structure même de l’offre, à faire converger avec les attentes des ménages. Comment y répondre, dans un contexte économique de plus en plus contraint ? De façon simplifiée, on avait un modèle unique, qui fonctionnait à peu près partout, piloté par l’Etat. Aujourd’hui, le monde HLM agit dans des territoires très différents, tant en termes d’enjeux, que de structuration de la politique locale de l’habitat et de moyens alloués à celle-ci. On observe de forts écarts de richesse entre les collectivités locales et leurs investissements dans le domaine de l’habitat. De fait, les organismes HLM et l’ensemble de la profession doivent s’adapter et ce quasiment en permanence, le système n’étant pas stabilisé entre l’Etat, la Région et les collectivités territoriales. A titre d’exemple, la Région élabore son SRADDET[3] et l’USHB y contribue, mais la Région n’a pas de compétence habitat ! Notre rôle est de contribuer à l’émergence de nouvelles modalités partenariales pour trouver des réponses non seulement adaptées, mais durables en termes économiques.

Les organismes HLM constituent un levier puissant, mais ils ne pourront pas tout mener de front, en l’absence de stratégie d’ensemble. En Bourgogne, on a recensé 25 000 logements sociaux à réhabiliter sur quinze ans à 30 000 € en moyenne l’unité. Il faut par ailleurs renouveler l’offre neuve, développer les services, intervenir dans les centres-bourgs… Questionner les élus est indispensable pour penser des stratégies habitat de moyen et long termes et préserver la capacité des organismes à investir. Pour que le système puisse perdurer et évoluer, il faudra localement faire des choix politiques, en contextualisant davantage les stratégies.

 

Propos recueillis par Cécile Bouclet et Claire Philippe


[1] Association Régionale des organismes HLM,
[2] Etude pilotée par l’USHB à l’échelle de 5 AR HLM (Auvergne, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Lorraine)  CODRA et Soft Report, 2015,
[3] Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires