En mars dernier, j’évoquais la perspective d’une mutation urbaine dans notre rue, en mettant en avant la rapidité des évolutions dans les secteurs de forte pression foncière. Riverains atypiques par notre regard d’urbanistes, nous acceptons volontiers les principes de mutation et de densification. Et c’est en observateurs curieux que nous vivons ce qui se passe de l’autre côté de notre rue depuis plusieurs mois. Je reviens aujourd’hui sur le sujet des impacts du chantier : en effet, toute transformation urbaine inclut par définition une période de travaux dont la durée et les nuisances s’imposent aux riverains sur des aspects variés.

L59_cath_1Cela a commencé, avant les premiers coups de pioche, par la visite de nos locaux par un bureau de contrôle chargé d’examiner l’état des constructions existantes, afin de collecter les données utiles en cas de dommages imputables aux travaux. Cette visite plonge donc directement le riverain dans un contexte inattendu : un chantier n’est pas neutre et peut constituer un risque technique pour les constructions proches. Ce risque est-il réel ou s’agit-il d’une simple précaution juridique ?

Nous l’avons constaté très rapidement avec les travaux de déconstruction des bâtiments existants sur le site ! Grignotage, démontage, démolitions par abattage ont généré des bruits forts et sourds et des vibrations importantes de nos bureaux, suscitant notre vigilance sur l’apparition d’éventuelles fissures. A ce jour, cela n’est pas le cas, mais qu’en serait-il si notre immeuble n’était pas aussi solide ?

 

Durant ces premières phases de travaux, nous avons pu assister au ballet des quelques engins en action portant, à eux seuls, avancement rapide de la démolition. Le visuel très mécanique du travail par des machines aussi habiles qu’imposantes donnait un caractère déshumanisé, de la transformation en cours… Parmi les engins à l’œuvre, un grand écran mobile arrosé d’eau faisait parfois office de protection « anti-propagation » des poussières et projections d’eau vers l’espace public et les logements et bureaux voisins. Un effort estimé plus sympathique que véritablement efficace, surtout en périodes de vent. Malgré cette attention ou « à cause » d’elle et du souci qu’elle démontrait, un questionnement a germé dans certains esprits : quels sont les impacts de tels chantiers sur la santé des riverains ?

D’autres usagers du quartier, plus éloignés, ont également été pénalisés pendant quelques mois par la fermeture d’un cheminement piéton impliquant un réel allongement de parcours pour se rendre à la gare RER…. ou la fermeture de la rue au trafic automobile des journées entières, sans information préalable.

Dans un registre plus favorable, nous avons assisté au tri des différents types de débris au fur et à mesure de la démolition, afin d’en valoriser une part dans la suite des travaux. Il s’agit là d’une pratique rassurante : à la fois en tant que riverain, car cela limite les flux de poids lourds, mais également pour économiser des matériaux de construction ou fondation et donc limiter les impacts sur l’environnement.

En quelques mois, les travaux de démolition ont abouti à un changement radical de paysage : un grand espace vide en surface, des perspectives visuelles qui s’élargissent et se prolongent vers d’autres bâtiments, vers un nouvel horizon au second plan… que bien évidemment nous savons provisoire.

Ce provisoire est apprécié pour la lumière générée et la vue du ciel depuis la rue. Pourtant, un été particulièrement chaud nous montrera que l’ombre a aussi ses avantages.

Notre vécu concret du chantier, en tant que voisins bienveillants à l’égard du changement qui s’opère, nous rappelle qu’il n’est pas vain, pour une collectivité, de faciliter l’acceptation d’un projet et de sa période de travaux, surtout auprès des riverains. Il ne s’agit pas seulement de concertation ou de communication, démarches habituelles dans nos métiers, mais d’accorder de l’attention au bien-être des habitants…

Un principe qui serait à appliquer aussi à l’égard des générations futures pour fabriquer à grande échelle des villes agréables à vivre !

Catherine BROWN