L45_ba_panoDeux cents ans après la « Révolution de Mai » aboutissant à la création du premier gouvernement argentin, Buenos Aires vit une nouvelle révolution, celle de la mobilité durable.

Les origines du changement

L’administration de Mauricio Macri, à la tête de Buenos Aires depuis 2007, porte une forte ambition de développement durable. Le Plan Environnemental de la Ville, approuvé en 2009, prévoit de réduire de 30% les émissions de GES (1) à l’horizon 2030. La stratégie de mobilité en constitue un volet essentiel et bénéficie d’une forte impulsion politique, conduite par Guillermo Dietrich, sous-secrétaire des Transports de la Ville. Le Plan de Mobilité Durable a ainsi été approuvé en 2011. Pour Paula Bisiau, directrice de la Mobilité Durable à la Ville, « ce plan constitue une sorte de chapeau, à partir duquel sont réalisés les différents projets ». Selon Andrés Fingeret, directeur de l’agence locale de l’ITDP (2), qui accompagne la ville dans les actions de mobilité, « ce plan constitue la première initiative de ce type, permettant d’inscrire le sujet dans l’agenda politique ».

L45_ba_rue
Rue Reconquista, piétonnisée en 2009

Buenos Aires présente les caractéristiques d’une ville favorable aux modes actifs : géographie plate, configuration en damier, climat agréable, ville jeune, forte utilisation des transports collectifs, habitude de vie dans l’espace public.« L‘identité de la ville était prête pour accueillir les modes actifs », souligne Paula Bisiau. Cependant, les aménagements favorables à la voiture avaient fortement limité leur pratique pendant la deuxième moitié du XXème siècle.

« L’un des objectifs de la Ville est de donner la priorité aux transports collectifs », explique Paula Bisiau. Dans cette optique, un système de Bus à Haut Niveau de Service, appelé Metrobus, a été mis en place à partir de 2011. Il s’agit d’infrastructures dédiées aux bus (site propre, stations, signalétique) sur lesquelles circulent plusieurs lignes préexistantes.

Les deux premiers axes ont permis d’expérimenter le système et de faciliter son acceptation par les habitants. En 2013, le Metrobus a été implanté sur un axe majeur, l’avenue 9 de Julio, célèbre notamment pour son Obélisque, monument historique phare de Buenos Aires. Impossible d’imaginer un tel changement il y a encore 5 ans ! Cette avenue, avec ses dix voies de circulation par sens, était jusqu’alors un monument à la voiture, témoignant de l’amour de la ville pour ce mode de déplacement. L’aménagement de couloirs bus centraux constitue une évolution très forte, au plan pratique comme au plan symbolique.

« La création du Metrobus a transformé la dynamique des déplacements », explique Andrés Fingeret. Ses impacts, en effet, ont été spectaculaires : réduction de 50% du temps de déplacement dans le centre-ville (jusqu’à 40 minutes gagnées) et hausse de 25% de la fréquentation (255 000 voyageurs par jour).

Des mesures en faveur des piétons et des cyclistes

L45_velos
Ecobici – Vélos en libre service

Parallèlement, un système de vélos en libre-service a été inauguré en 2010 et 140 km de pistes cyclables ont été construits au cours des cinq dernières années. Ces mesures ont accompagné l’évolution des mentalités, notamment chez les jeunes, désireux de se déplacer autrement. La pratique du vélo a explosé, passant de 0,4% des déplacements en 2009 à 3,5% en 2015. « L’objectif est d’atteindre 5% des déplacements dans les prochaines années », affirme Paula Bisiau.

Pour Andrés Fingeret, « la seule manière de diminuer le trafic est de réduire l’espace dédié à la voiture ». Les rues étroites du centre-ville, auparavant traversées par un trafic intense, ont été piétonnisées. Les lignes de bus sont regroupées au niveau du Metrobus. Le calme retrouvé a été renforcé par l’aménagement d’un espace à niveau, confortable pour les piétons. Ces mesures ont conduit à une forte augmentation de la fréquentation piétonne et à l’apparition de terrasses de café.

Des interventions ponctuelles ont aussi été réalisées sur certaines intersections et des limitations de vitesses introduites sur plusieurs rues : « Le principal objectif est d’améliorer la sécurité routière », explique Andrés Fingeret.

Le défi de l’intermodalité

La capitale argentine fait partie d’un territoire beaucoup plus vaste, le Grand Buenos Aires, où les acteurs responsables de la mobilité sont multiples : Ville, Province, Etat. Cette complexité institutionnelle explique l’absence de restructuration des lignes de bus à cette échelle, lors de la création du Metrobus.
Toutefois, certaines mesures favorisant l’intermodalité ont d’ores et déjà étés prises. Une nouvelle signalétique a été installée dans les stations de transports collectifs. De plus, la dernière ligne Metrobus mise en service en 2015, franchit désormais les limites administratives de la capitale. Il s’agit, nous l’espérons, des prémices d’une planification de la mobilité à l’échelle métropolitaine.

 

Pablo CARRERAS

Je remercie Paula Bisiau (Ville de Buenos Aires) et Andrés Fingeret (ITDP). Leur apport a été précieux, tant en termes de connaissance des actions réalisées par la Ville, qu’en termes de compréhension du contexte local.

Ville de Buenos Aires : http://www.buenosaires.gob.ar/movilidad
ITDP : https://www.itdp.org/

(1) Gaz à Effet de Serre

(2) Institute for Transportation and Development Policy