Dans notre économie moderne, de nombreux biens consommés ne sont que très peu utilisés. La voiture en est l’exemple symptomatique : elle est garée 95% du temps et, lorsqu’elle roule, elle est occupée par 1,2 personne en moyenne. Elle est donc doublement sous-utilisée, dans le temps comme dans l’espace.
L’économie collaborative, mettant en relation des personnes et des ressources inutilisées, apparait comme une réponse possible. Depuis le début des années 2000, elle se développe dans tous les domaines, de la location immobilière à la fourniture de services. Intéressons-nous ici à l’autopartage.

L52_pc1La forte croissance de la mobilité partagée

La première génération d’autopartage correspond à un service en boucle, où le véhicule est loué et rendu dans une même station (ZipCar aux Etats-Unis, Communauto au Canada). La deuxième génération est celle de l’autopartage en trace directe, qui permet de rendre le véhicule dans une autre station (Car2Go en Allemagne, Autolib à Paris). La troisième génération, très récente, est celle de l’autopartage entre particuliers (Drivy, Ouicar).

L’autopartage compte 86 000 véhicules et 5,8 millions d’usagers [1]  et devrait atteindre 228 000 véhicules et 35 millions d’utilisateurs en 2021.

Les impacts de la mobilité partagée

Globalement, toutes les études convergent vers des résultats très similaires. L’autopartage permet de réduire le nombre de véhicules, de diminuer le nombre de kilomètres parcourus et de renforcer l’usage des autres modes, avec des impacts favorables sur l’environnement et la santé publique.

Ainsi, une étude récente de l’ADEME  [2] sur l’autopartage en France montre que ce mode permet de réduire l’utilisation de la voiture (-41% de km parcourus) et de se séparer de son véhicule (chaque véhicule en autopartage remplace neuf voitures personnelles et libère huit places de stationnement).

L’évaluation de l’autopartage à Munich  [3] montre que parmi les utilisateurs de ce mode, 11% vendent leur voiture, 27% prévoient de la vendre et 39% reportent l’achat.

Par ailleurs, une étude de l’Université de Berkeley (Californie) [4] sur l’autopartage dans vingt villes d’Amérique du Nord montre que ce mode a retiré environ 100 000 véhicules de la circulation, notamment des véhicules anciens (11 ans d’ancienneté en moyenne). Pour chaque ménage concerné, la diminution des kilomètres parcourus se traduit par une réduction de plus de 34% des émissions de CO2.

Vers un écosystème de mobilité urbaine

Pour les citadins, notamment les plus jeunes, l’accès à la mobilité devient plus important que la possession d’un véhicule. Les usagers souhaitent pouvoir se déplacer d’un point A à un point B, de manière fluide et confortable, quel que soit le véhicule, l’autorité organisatrice ou l’opérateur. La mobilité devient avant tout un service, l’infrastructure et le véhicule restant les supports de base. Nous assistons à l’émergence d’un menu de mobilité urbaine, intégrant aussi bien les modes traditionnels que les modes partagés.

Quel sera le rôle des collectivités dans ce nouveau modèle ?

La mobilité partagée doit être intégrée aux démarches de planification des déplacements. Le Plan de Déplacements de Vienne (Autriche) [5] contient un chapitre « Partager au lieu de posséder », qui définit l’implantation des stations d’autopartage, tandis que la Ville de Los Angeles vient d’approuver son Plan d’Actions pour la Mobilité Partagée [6], avec pour objectif de retirer 100 000 véhicules de la circulation d’ici 2035. En France, le PDU de la Métropole de Lyon  [7], récemment arrêté, prévoit de « favoriser les usages partagés de la voiture », définissant un label d’autopartage pour les opérateurs privés.

Les collectivités disposent essentiellement de trois leviers pour encourager la mobilité partagée. Le premier consiste à coordonner l’ensemble des services existants. La collectivité crée une plateforme de mobilité, intégrant les données de tous les opérateurs, puis développe des supports et des applications multimodaux. Citons l’exemple de l’application Whim (Helsinki) [8], qui permet à l’usager de s’informer, de réserver et de payer l’ensemble des services de mobilité de la ville.

Le deuxième levier, spécificité française, consiste à organiser un service d’autopartage public, en déléguant sa gestion à une entreprise privée. Dans ce cadre, les collectivités financent le système et supportent ses risques financiers. L’actualité récente autour du fort déficit d’Autolib [9] questionne le modèle économique et la pérennité de ce type de systèmes.

Le troisième levier consiste à fournir des places de stationnement à des opérateurs indépendants. A titre d’exemple, la ville de Paris vient de lancer un service de véhicules partagés [10], permettant d’attribuer 226 places de stationnement à trois opérateurs privés (Zipcar, Communauto et Matcha).

Ces actions permettent aux collectivités de garder la main sur le développement des nouveaux services de mobilité. Leur rôle sera de définir des critères précis, en termes d’environnement et de couverture géographique, auxquels les opérateurs devront répondre s’ils souhaitent intégrer la plateforme de mobilité ou bénéficier de places sur voirie.

Le futur de la mobilité se construit aujourd’hui

Avec le développement de la mobilité collaborative, les usagers s’habituent progressivement à partager les véhicules. Les collectivités doivent se saisir de cette opportunité pour réguler l’usage de la voiture individuelle et pour réduire l’espace qui lui est consacré. Celui-ci sera rendu aux vélos et aux piétons, afin d’améliorer la qualité de vie en ville.

Ces transformations annoncent la naissance de la voiture autonome. Mais ceci constitue le prochain chapitre de cette fascinante histoire de la mobilité urbaine…

 

Pablo Carreras

[1] https://www.bcgperspectives.com/content/articles/automotive-whats-ahead-car-sharing-new-mobility-its-impact-vehicle-sales/
[2]  http://www.ademe.fr/enquete-nationale-lautopartage
[3] http://sm.team-red.de/fileadmin/produkte/images/newsletter/Global_Carsharing_Update/160616_Global_Carsharing_Update-web.html
[4] http://tsrc.berkeley.edu/vehicleholdings
[5] https://www.wien.gv.at/stadtentwicklung/strategien/step/step2025/fachkonzepte/mobilitaet/publikationen.html
[6] http://sharedusemobilitycenter.org/news/sumc-releases-action-plan-to-take-100000-cars-off-the-road-in-los-angeles-county/
[7] http://www.sytral.fr/157-plan-deplacements-urbains.htm
[8]  http://maas.global/whim/
[9] http://transports.blog.lemonde.fr/2016/12/28/bollore-sauver-autolib/
[10] http://www.paris.fr/actualites/lancement-du-label-svp-service-de-vehicule-partage-2988