Professionnelle ou amateur, en terre ou hors-sol, en  cave ou sur toit, sur pattes ou sur tiges, l’engouement actuel pour l’agriculture urbaine s’exprime sous des formes très variées. Elles ne cessent de se réinventer pour répondre à de nouveaux besoins – alimentaires, sociaux, environnementaux… Les documents d’urbanisme ont un rôle à jouer dans cette émulation d’idées, en préparant un terreau favorable aux innovations.

Ne pas empêcher

Historiquement, les villes ont longtemps été accompagnées par des cultures, notamment maraîchères, approvisionnant directement les citadins en produits frais. Avec le développement des transports, des techniques de conservation alimentaire, des pratiques intensives permettant une production de masse, cette proximité n’était plus nécessaire, voire désavantageuse. La tendance de ces dernières décennies était donc au recul de l’agriculture vers les espaces ruraux, et l’urbanisme récent s’est construit sur un modèle de ville n’ayant pas à inclure cette fonction. Aussi, plusieurs réglementations d’ordre esthétique, architectural, sécuritaire… interdisent de fait des formes d’agriculture urbaine, sans pourtant que cela en soit l’objectif.

Les toitures jardinées en sont un bon exemple. Imposer une inclinaison minimale du toit peut empêcher la pose d’un substrat cultivable. Proscrire la construction de rebords ou de rambardes interdit indirectement l’accès au toit, pour des raisons de sécurité. La limite de hauteur des bâtiments risque aussi de s’appliquer, sauf exception spécifiée, à l’installation de bacs de culture, de serres, de cabanes à outils. Les enjeux qui justifient ces prescriptions ne sont bien sûr pas à négliger. Toutefois, il est souvent possible d’envisager, au sein des documents d’urbanisme, des dérogations favorables aux projets d’agriculture urbaine. Par exemple, l’article XI du règlement peut exiger une inclinaison minimale des toits,sauf si le projet prévoit leur végétalisation et respecte certains critères de qualité.

Compléter les savoirs scientifiques

Les risques sanitaires liés aux pollutions du sol, des eaux de ruissellement, de l’atmosphère, incitent parfois les aménageurs à interdire purement et simplement toute production de consommables. Les mêmes réticences s’expriment vis-à-vis du recyclage de déchets urbains (restes alimentaires, boues d’épuration…) comme engrais agricole. Si la précaution est louable, il faut toutefois rappeler que les produits agricoles n’accumulent pas ces polluants de la même façon : un arbre fruitier, un légume-feuille, une racine… ne seront  évidemment pas soumis aux mêmes sources de pollution, et il existe des variations d’une espèce à l’autre. À noter que l’enjeu principal est de savoir si ces composants sont absorbés par les plantes et se retrouvent au sein des parties consommées ; un simple dépôt en surface sera facilement éliminé par le lavage.

Les incertitudes sont encore nombreuses concernant la concentration des polluants dans les produits agricoles. En cas de doute, il est toujours possible pour le PLU d’autoriser, a minima, les cultures à visée expérimentale, afin de permettre aux scientifiques de tester les risques et de définir des seuils. C’est l’option qui a été retenue sur deux hectares de la ZAC (1) Seine Arche à Nanterre, cultivées par l’association La Ferme du Bonheur et récemment intégrées à un programme de recherche mené par l’institut agronomique AgroParisTech.

Fournir des espaces de créativité

Des collectivités font désormais le choix de réserver dans leur zonage des espaces pour l’agriculture urbaine, notamment via les jardins partagés. D’autres poussent la démarche plus loin, comme la commune de Strasbourg qui a élaboré un projet spécifique, le Parc Naturel Urbain, en dialogue étroit avec le futur PLUi (2) et qui sera repris par plusieurs de ses OAP (3).

L’étape suivante exigera d’anticiper les besoins potentiels de nouveaux modes de cultiver, pour laisser émerger et soutenir des entreprises innovantes. De nombreux projets de jardins partagés permettent la valorisation d’espaces en friche, mais doivent parfois passer par une occupation illégale et source de conflits. Les documents d’urbanisme manquent encore d’outils pour appréhender efficacement ces usages temporaires : c’est un chantier essentiel sur lequel travailler, pour optimiser l’occupation de l’espace en ville et répondre à la forte demande sociale. La mise à disposition d’espaces, sans projet prédéfini, est également faisable pour l’agriculture professionnelle, comme à la CA (4) du Grand Besançon qui a créé une pépinière d’activités en maraîchage biologique.

Les porteurs de projet en agriculture urbaine sont nombreux et créatifs. A charge pour les documents d’urbanisme de leur fournir un espace de liberté où s’exprimer et expérimenter.

Robin CHALOT

 

Pour plus d’informations sur les exemples cités et bien d’autres : Recueil d’actions 2014 du concours
Capitale de la biodiversité www.capitale-biodiversite.fr

(1) Zone d’Aménagement Concertée
(2) Plan Local d’Urbanisme Intercommunal
(3) Orientations d’Aménagement et de Programmation
(4) Communauté d’agglomération