Alors que les transports sont responsables, en France, de près de 40% des émissions de gaz à effet de serre[1] et à l’aube d’une (très) probable démocratisation des véhicules électriques et autonomes, interrogations et discours réticents à propos de ces évolutions se font entendre.

Parmi les points de réticence que l’on peut entendre, la remise en cause des vertus écologiques du véhicule électrique a été celui qui a retenu mon attention plus particulièrement.

Force est de reconnaître que cet argument n’est pas sans fondement. En l’état actuel des technologies et techniques, la production d’une voiture électrique émet 50% de CO2 de plus que la production d’un véhicule thermique[2]. De plus, l’extraction des métaux rares entrant dans la composition des moteurs et batteries engendre aujourd’hui des dommages environnementaux considérables du fait des rejets de polluants des entreprises productrices de métaux rares.

Rejets d’eau polluée par les procédés d’extraction de métaux rares dans un lac en Chine
Rejets d’eau polluée par les procédés d’extraction de métaux rares dans un lac en Chine

A cela, s’ajoute l’usure des freins et des pneus, qui produit une quantité de particules fines équivalente à un moteur diesel, que la voiture soit électrique ou équipée d’un moteur thermique.

Enfin, bien qu’un véhicule électrique ne soit pas directement responsable d’émission de gaz à effet de serre, il serait absurde de penser que rouler à l’électrique n’en entraîne pas. En effet, les énergies fossiles représentent, aujourd’hui encore, plus de 60% des sources d’énergie utilisées pour la production d’électricité au niveau mondial.

Ainsi, en considérant la durée de vie moyenne d’une voiture, rouler aujourd’hui à l’électrique ne représente qu’un intérêt écologique limité et peut même s’avérer plus néfaste pour l’environnement que rouler à l’essence dans un pays où la production d’électricité est fortement issue de sources d’énergies fossiles[3].

Malgré cet état de fait, un tel discours rappelle certains articles de presse du siècle dernier relatant les actes « autophobes » d’alors, entre jets de pierres sur les automobiles et sabotages de rues à l’aide de tessons de bouteille, illustrant la difficile acceptation d’un moyen de transport nouveau à l’époque.

On peut facilement imaginer l’argumentaire que pouvaient tenir les pourfendeurs de l’automobile à cette époque et faire le parallèle avec celui de nos contemporains les plus réticents à l’adoption de la voiture électrique.

Jadis, un cheval pouvait s’aventurer là où aucune automobile ne pouvait aller. Un cheval pouvait brouter l’herbe, disponible en quantité et à moindre frais, alors que le combustible des automobiles était autrement plus onéreux et difficile à se procurer. L’entretien d’un cheval était plus simple et moins coûteux que l’entretien d’une automobile. Les fers des chevaux étaient plus résistants que les pneus des automobiles. Au galop, un cheval était plus rapide qu’une automobile. Et j’en passe…

Aujourd’hui, la voiture électrique manque d’une bonne couverture du territoire par un réseau de bornes de recharges et la plupart des modèles électriques manquent d’autonomie par rapport aux véhicules thermiques. Un véhicule électrique est plus cher à l’achat qu’un véhicule thermique. Même là où réside son intérêt potentiel principal, un véhicule électrique n’est pas vraiment plus écologique qu’un véhicule thermique.

Avec un siècle de recul, il est évident que les écueils du siècle passé concernant l’automobile ne sont plus d’actualité et que le cheval n’est plus compétitif dans nos déplacements quotidiens face à nos voitures modernes.

Au regard des évolutions technologiques récentes, il me semble que faire le pari que les écueils d’aujourd’hui concernant les voitures électriques seront rapidement dépassés est loin d’être insensé.

Il ne s’agit pas ici de faire de la promotion de la voiture électrique un cheval de bataille. Il existe un très grand nombre de leviers d’actions qu’il nous incombe collectivement d’activer pour réussir une transition vers une mobilité respectueuse de l’environnement tels que le développement des transports en commun, de la marche, du vélo, etc.

Cependant, refuser d’appuyer le développement des véhicules électriques au motif que les moteurs thermiques ne possèdent pas certains des défauts actuels de l’électrique s’apparente à un obscurantisme certain tant les impacts négatifs des véhicules thermiques sur notre planète sont évidents. Au même titre qu’au siècle dernier le cheval n’était déjà plus une solution d’avenir, les véhicules thermiques ne le sont plus non plus aujourd’hui.

Dans un contexte de réchauffement climatique effectif, et face auquel les objectifs internationaux se contentent de tenter d’en limiter l’ampleur, s’obstiner, collectivement ou individuellement, à voir en la voiture individuelle thermique une solution acceptable et pérenne, même à brève échéance, dénote alors d’une négligence coupable.

Pierre Lopion


[1] http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lessentiel/ar/199/1080/emissions-gaz-effet-serre-secteur-france.html
[2] Vidéo produite par Le Monde : https://youtu.be/QoBTr_CSMzs
[3] Calculs basés sur les données suivantes : http://www.smartgrids-cre.fr/index.php?p=vehicules-electriques-bilan-carbone