La loi « Egalité et Citoyenneté » (LEC) du 27 janvier dernier est une loi multi-thèmes, au contenu très volumineux et disparate : au lieu des 41 articles initiaux du projet de loi, le texte approuvé en compte finalement 224, modifiant 21 codes du droit français ! On peut d’ailleurs souligner le souci du détail juridique, à l’article 218 : « L’ordonnance de Charles X du 17 avril 1825 est abrogée »[1]. Mieux vaut tard que jamais !

Cependant, la LEC ajuste le plus souvent des lois plus récentes, par exemple la loi ALUR[2] de mars 2014. Et dans le domaine de l’urbanisme, certaines évolutions du droit sont notables. Ainsi, la suppression des PLUI valant SCoT est une simplification de la nature des documents d’urbanisme et de leur contenu respectif. Il est désormais clairement établi que seul un SCoT peut comporter un « Document d’Aménagement Artisanal et Commercial », volet commerce étoffé avec détermination des « Zones d’Aménagement Commercial » qui encadrent les autorisations d’implantation de commerces[3].

Des mesures transitoires sont également introduites, dans les cas de fusion d’EPCI ne disposant pas tous de la compétence PLUI. La LEC apporte ainsi à la fois une clarification et une période de souplesse pour gérer l’évolution des PLU sur le territoire : pendant cinq ans, les PLU communaux peuvent faire l’objet de révisions ou de modifications, sans rendre obligatoire l’élaboration d’un PLUI[4].

Enfin, la LEC a introduit la possibilité dérogatoire de faire des PLUI infra-communautaires dans les EPCI « de grande taille » (hors métropole et sans volet PLH ou PDU). Cette évolution est importante pour les collectivités inquiètes de la mise en œuvre de PLUI sur des EPCI très étendus en nombre de communes et/ou géographiquement, par la relative difficulté de maintenir de la proximité en matière de co-élaboration, de concertation, de production matérielle des documents, en particulier sur les territoires très ruraux et à l’ingénierie locale encore peu étoffée. La possibilité de découper le territoire d’un EPCI en plusieurs PLUI était donc attendue.

Mais la LEC a fait le choix d’encadrer cette possibilité de façon arbitraire, normée dans la définition de ce qu’est « un EPCI de grande taille » : il doit comprendre au moins 100 communes. C’est rond, c’est simple mais sans lien avec la configuration du territoire : géographie, dessertes, polarités, etc. Avec l’effet de seuil : un EPCI de 99 communes ne pourra établir qu’un seul PLUI, alors qu’un EPCI de 100 communes pourra couvrir la totalité de son territoire par plusieurs PLUi (et à condition de se doter d’un SCoT dans les 6 ans à compter de la délibération prescrivant les PLUI). Ce choix législatif pose question : fallait-il encadrer la possibilité de PLUI intra-communautaire avec le seul critère quantitatif ? Si oui, est-ce le bon ?

L53_plui3

Les données disponibles[5] nous apprennent qu’en novembre 2016, seuls cinq EPCI comportent 100 communes, avec une projection à 13 EPCI au 1er janvier 2017. Cette possibilité dérogatoire ne concernerait donc que 13 EPCI aujourd’hui, voire moins, quand il y a création de communes nouvelles.

Ce seuil risque donc de décevoir les collectivités qui avaient espéré travailler sur des PLUI « de proximité », aussi bien en matière de co-construction politique et technique que de concertation avec la population. Seront-elles donc moins mobilisées vers le PLUI et garderont-elles encore plus longtemps la compétence PLU à l’échelle communale ? La question est ouverte et l’avenir nous le dira.

Ce nouvel outil, le PLU infra-communautaire, nous apparaît comme une bonne démarche, au détail près de la définition de la « grande taille ». S’il devait être mis en œuvre, il constituera également un challenge intéressant, aussi bien en matière de pilotage par l’EPCI que pour l’ingénierie locale et les bureaux d’études : avancer en même temps sur plusieurs PLUI, tout en garantissant la cohérence d’ensemble et la proximité. A suivre avec intérêt et innovation !

 

Catherine Brown

 

[1] Relative à la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti moyennant le versement de 150 millions de francs-or
[2] Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové
[3] Les procédures de PLUI valant SCoT en cours peuvent cependant se poursuivre
[4] Au lieu de prendre simplement en compte les procédures engagées avant la fusion qu’il convenait d’achever dans les deux ans suivant la fusion
[5] http://www.collectivites-locales.gouv.fr/bilan-des-schemas-departementaux-cooperation-intercommunale