Norwich : un exemple de la densité à l’Anglaise
Cette charmante ville du sud-est anglais compte environ 160 000 habitants, une cathédrale, une université réputée, de beaux patrimoines bâtis hérités des époques médiévale, élisabéthaine et victorienne, 370 pubs et des dizaines de rues bordées de maisons si typiques.
Alors qu’en France, on cherche toujours des modèles d’habitat individuel dense, cette forme de composition urbaine est depuis longtemps très courante en Angleterre. Sans en faire un modèle reproductible, certaines de ses caractéristiques sont néanmoins dignes d’intérêt pour nos pratiques « à la française » de l’urbanisme des lotissements. Ces opérations d’ensemble, le plus souvent anciennes, sont si plébiscitées aujourd’hui encore, qu’on en développe des formes légèrement modernisées.
Une organisation spatiale et des pratiques adaptées
Le découpage des terrains produit de l’habitat individuel en bande, sous la forme de maisons mitoyennes avec un étage et des combles aménagés ou aménageables, sous un toit en pente. De petits porches piétons rythment les alignements, donnant accès aux portes d’entrée arrières, remises à vélos, etc. Les îlots sont de tailles variables, souvent peu profonds, si bien qu’il n’est pas rare de voir, depuis le premier étage de sa maison, les façades des maisons situées deux rues plus loin.
Le plus frappant est l’étroitesse de chaque parcelle (de 5 à 8 m environ), générant la succession resserrée d’une porte d’entrée étroite et d’un bow-window. La distance de recul par rapport à la rue est souvent réduite aussi (de l’ordre de 2 à 3 m). Il est d’ailleurs intéressant d’apprécier la diversité de traitement de cette marge de recul : jardinet, gravier, carrelage, plantes et fleurs en pots, buissons, arbres et des portes aux couleurs tout aussi variées. Ces éléments personnalisent fortement chaque maison, réduisent la monotonie et sont bien visibles depuis la rue, car seul un mur bas (moins de 0,80 m), percé d’une ouverture non close, délimite le terrain côté rue. Ce recul modeste a pour but de maintenir une distance entre le passage des piétons sur le trottoir et l’intimité des pièces du rez-de-chaussée… Loin de nos distances de recul de 3 à 5 m, de nos portails et clôtures plus ou moins pleines. En rapprochant la maison de la rue, on préserve également un jardin arrière plus profond et donc une distance plus importante avec les façades arrières des maisons opposées. Cela permet aussi la construction d’extensions ou d’annexes en rez-de-chaussée.
Les jardins bénéficient de la « main verte » des anglais, associée au climat britannique qui se charge de l’arrosage. La différence avec les nôtres réside aussi dans le traitement des limites séparatives : elles sont marquées par des palissades pleines, en bois souvent sombre. La végétation peut aisément s’y accrocher et la petite faune peut circuler, au gré de planches partiellement disjointes. Il n’y a aucune recherche de transparence, au contraire (pas de « grillage doublé de haies »… si souvent inscrit dans les PLU (1)). Le rythme urbain est dense, mais l’intimité est en partie préservée.
Stationnement et circulation : le fair play d’abord
Ces constructions en bande doivent fonctionner, aujourd’hui, avec la présence de la voiture, alors que celle-ci n’a été prévue ni dans la structure des maisons ni dans celle de l’îlot : tout se passe sur l’espace public et le stationnement est saturé en fin de journée. Il n’est pas rare que les deux bandes de stationnement (souvent réservé aux résidents) ne laissent qu’une seule file de circulation, même pour des rues à double-sens !
S’impose alors, spontanément et avec fair-play, la règle de courtoisie à coup d’appels de phares. La circulation est ainsi très apaisée. Les habitants ont l’air de s’adapter à cette situation ; il ne semble pas y avoir de demandes auprès de la collectivité, telles que des parkings ou des rues fermées aux non-résidents, comme nous l’entendons de plus en plus lors de réunions publiques de ce côté-ci de la Manche. Et n’oublions pas que les Anglais sont souvent étonnés devant nos maisons où la voiture « dort sous le même toit » que les occupants.
Habiter dans un secteur urbain resserré est accepté, surtout à proximité des transports en commun et du centre-ville.
A Norwich comme dans d’autres villes anglaises, ces maisons ont beaucoup de charme et offrent une qualité de vie certaine en ville. De quoi probablement s’inspirer pour enrichir le panel des formes d’habitat individuel dense ou intermédiaire dans nos villes, avec de possibles déclinaisons architecturales régionales et contemporaines.
Catherine Brown