Stations-service à sec ou réapprovisionnées mais prises d’assaut, conducteurs et professionnels en colère, impacts économiques non négligeables… les conséquences de la grève des salariés de la Société Réunionnaise de Produits Pétroliers (SRPP) qui a touché l’île de la Réunion en mars 2015 témoignent une énième fois de la part prépondérante de l’automobile dans le quotidien des Réunionnais.

Freiné par des financements limités, des désaccords politiques ou une topographie difficile, le développement des transports en commun est insuffisant au regard d’un parc automobile réunionnais comptant 410 000 véhicules et de l’utilisation de la voiture pour 78% des déplacements domicile-travail. Pour rappel, environ 50% de l’importation des combustibles fossiles sur l’île sont destinés aux transports et plus de 65% de la consommation totale d’énergie concernent l’utilisation des carburants. Les transports et le trafic automobile représentent ainsi 40% des émissions de gaz à effet de serre à la Réunion.

Tourisme, travail, loisirs, il convient de se pencher sérieusement sur la question du covoiturage. L’utilisation d’un seul véhicule particulier par plusieurs personnes effectuant régulièrement le même trajet s’avère être une solution concrète à une partie des inconvénients engendrés par les modes de transports individuels motorisés : diminution des embouteillages, de la pollution et des accidents de la route. Le covoiturage permet également au particulier d’économiser les dépenses de carburant et de maintenance, à la collectivité de réduire les frais d’entretien de voirie et il développe accessoirement le lien social entre les passagers du véhicule.

Mais force est de constater que ce mode de déplacement est trop peu exploité sur l’île et les infrastructures – parkings relais, aires et points de covoiturage – sont clairement manquantes. Pourtant, La Réunion a l’avantage de bénéficier d’une route du littoral, dite des Tamarins, où s’effectue une grande partie des longs trajets. En d’autres termes, beaucoup de personnes seules dans leur voiture utilisent la même route, aux mêmes créneaux horaires, pour se rendre au même endroit.

A titre d’exemple, ce sont au total plus de 5 500 Saint-Paulois et Saint-Leusiens qui travaillent quotidiennement dans la commune du Port, près de 4 000 à Saint-Denis et plus de 1 100 à la Possession. Avec un trafic moyen journalier sur certaines portions de la route des Tamarins entre les communes de Saint-Paul et Saint-Denis qui oscille entre 60 000 et 80 000 véhicules, le développement du covoiturage permettrait de résoudre une partie des très fortes difficultés de circulation.

Certes, dans le cadre du chantier du Trans Eco Express (TEE) (1), la Région programme la création d’aires de covoiturage aux échangeurs des Colimaçons et de l’Ermitage aux abords de la route des Tamarins. Il est néanmoins regrettable qu’aucun aménagement en faveur du covoiturage n’ait été suffisamment anticipé lors de l’aménagement de cet axe structurant. En effet, les aires de covoiturage « sauvages » qui se sont développées aux abords de certains échangeurs témoignent de l’intérêt porté par les habitants à cette solution.

D’autres signes sont encourageants : l’accroissement important des membres de plates-formes locales de covoiturage sur internet, l’attention grandissante portée à ce phénomène par les entreprises privées et les grandes administrations publiques.

Trajets domicile-travail, longues distances ou occasionnels… convivial, économique et plus écologique, le covoiturage est une solution d’avenir. Aménageurs et pouvoirs publics, rattrapons le retard !

José Pacheco

(1) Le Trans Éco Express est un engagement entre les Autorités Organisatrices des Transport (AOT) et les Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) pour améliorer les déplacements à la Réunion à travers un réseau de transport public performant et le développement des infrastructures. L’engagement de financement est inscrit aux Nouveaux Accords de Matignon, signés entre le Premier Ministre et le Président de la Région Réunion.