l51_itw_logoNotre invité du mois est Dominique Duret, directeur général de Méduane Habitat, bailleur social mayennais implanté principalement dans l’agglomération de Laval. Quelques semaines après le congrès HLM de Nantes, il évoque avec nous les sujets d’actualité du monde HLM, vus d’un territoire au marché de l’habitat fluide.

 Quels sont les principaux enjeux auxquels vous êtes aujourd’hui confronté ?

La Mayenne est un territoire rural qui connait la désertification et l’augmentation de la vacance dans le parc de logements, notamment social. Le phénomène reste mesuré par rapport à certains territoires français en crise. La situation est insuffisamment prise en compte à l’échelle nationale, la politique de l’habitat étant principalement calibrée sur les secteurs tendus et les secteurs de rénovation urbaine.

Dans les pays de Loire, la DREAL s’attache avec les bailleurs sociaux à prendre en compte au plus près les réalités locales. En Mayenne, la vacance dans le parc HLM est une réalité, pour partie masquée par la baisse de loyers. Cette pratique induit la diminution des potentialités financières et techniques des bailleurs sociaux et n’attire pas suffisamment l’attention des élus face à la réalité de leur territoire.

Des solutions sont trouvées pour faire face à cette évolution généralisée de désajustement de l’offre et la demande. Côté Méduane Habitat, nous cherchons à adapter notre patrimoine aux évolutions sociales et économiques constatées et à ajuster les loyers, historiquement bas dans notre patrimoine, pour maximiser la solvabilisation des ménages grâce à l’APL[1]. C’est un exercice compliqué d’équilibre entre l’intérêt du locataire et celui du bailleur, réalisé lors des réhabilitations de patrimoine ou à l’occasion des relocations. Les bailleurs sociaux doivent être toujours dans la construction et l’anticipation plutôt que dans la réaction. Pour optimiser nos actions, il faut fonctionner avec un projet de territoire, porté par les élus.

Quels rôles les bailleurs sociaux ont-ils à jouer dans un territoire comme celui de la Mayenne ?

Les bailleurs sociaux sont à l’avant-poste des transformations sociétales. En effet, nous observons vite les évolutions économiques d’un territoire. Ainsi, la vacance dans le parc est le signal : cela signifie que des emplois ont disparus localement, sans nécessairement de fermetures d’usine visibles. C’est souvent plus discret, avec des suppressions de postes dans les PME, qui s’ajoutant les unes aux autres, finissent par se ressentir rapidement sur l’attractivité de nos logements. On prend vite le pouls de l’évolution de la société.

Les bailleurs sociaux soutiennent pleinement la vie économique locale, et notamment, dans le contexte actuel, par l’entretien du patrimoine, les projets de démolitions, de réhabilitations…Ils contribuent ainsi à désacraliser l’acte de construction comme seul soutien à l’activité économique locale. D’autant que les travaux de réhabilitation, par exemple, s’engagent et se conduisent plus rapidement qu’un chantier de construction : c’est six mois pour un chantier de réhabilitation contre deux ans pour un chantier de construction. Ainsi, soutenir la réhabilitation des patrimoines en temps de crise a un réel impact sur l’activité locale.

Au-delà d’être acteurs économiques, les bailleurs sociaux sont acteurs de la ville. A ce sujet, la mise en œuvre de la politique de rénovation urbaine a permis de décloisonner les pratiques : si les Offices Publics de l’Habitat (OPH) étaient déjà au service des territoires, de par leur rattachement à la collectivité, c’était moins le cas des Entreprises Sociales de l’Habitat (ESH). L’ANRU a fait naître la réflexion au sein des ESH qui se sont structurées et ont évolué pour être aujourd’hui des acteurs majeurs de la politique de la ville.

Ce changement de vision et de méthode induit par l’ANRU pourrait aussi fonctionner pour les territoires. La question aujourd’hui, c’est de savoir comment fonctionner avec moins de moyens financiers.

Plus largement, comment faire évoluer la situation dans le bon sens ?

L’évolution nationale tend à une aspiration des ressources et des énergies vers les territoires tendus. Cela renforce la rupture entre territoires et appauvrit encore les territoires détendus au plan de l’économie et de l’emploi… Ces évolutions de fond sont certes difficiles mais sont une opportunité, localement, pour penser l’habitat autrement. Dans toute époque de crise, il faut accepter de perdre pour pouvoir rebâtir des perspectives. Comment renouveler la place des territoires ruraux aux côtés des centralités et des métropoles aujourd’hui, voilà le défi que nous avons à relever.

C’est un enjeu majeur aujourd’hui que de construire une vision pour un territoire, à moyen et long termes. Cela suppose aussi une politique de l’habitat véritablement décentralisée. L’investissement locatif est un bon exemple : à la place d’un zonage national, aveugle aux spécificités locales, il faut laisser la possibilité aux territoires d’avoir leur propre approche micro-économique. La mise en place d’un système d’agrément décentralisé, comme pour le logement social, serait une solution. Ainsi le renouvellement des centres villes serait réalisé conjointement avec le privé, les bailleurs sociaux ne pouvant pas seuls soutenir cette dynamique.

Quant au monde HLM, il a pris conscience de son besoin d’une réflexion stratégique pour se renouveler : comment travaille-t-on avec cet environnement en mouvement ? Comment dépasser le frein à l’initiative apporté par la norme ? Il nous faut davantage de souplesse et d’agilité pour créer de nouvelles manières d’intervenir, bouger les lignes pour faire naître et aboutir la réflexion.

Propos recueillis par Cécile Bouclet et Claire Philippe

[1] APL : aide personnalisée au logement