l50_anru1Elle a évoqué avec nous les grandes évolutions du Nouveau Programme de Rénovation Urbaine (NPNRU) et revient sur les sujets majeurs qui sous-tendent les futurs projets de rénovation urbaine.

Revenons d’abord sur les spécificités de ce NPNRU : quelles sont les évolutions marquantes par rapport au précédent programme ?

Le NPNRU s’inscrit dans la continuité du premier programme national qui, à l’époque, a constitué une véritable « innovation de rupture », donnant naissance à un modèle et une démarche de projet urbain et social totalement inédits, tant au niveau de la conduite de projet que de l’investissement financier. L’agence nationale avec le fonctionnement qu’on lui connaît, était également unique. La définition du nouveau cadre d’intervention relève donc davantage de la sophistication de ce modèle tout en tenant compte de la réforme territoriale. De plus, l’approche de la rénovation urbaine a « percolé » dans les territoires et la communauté professionnelle (bailleurs, collectivités…) est davantage aguerrie à la méthode depuis une dizaine d’années. L’ANRU continue cependant d’apporter régulièrement des modalités nouvelles.

L’une des nouveautés, c’est d’abord la sélection, en amont, par le Ministre, des 200 quartiers inscrits en priorité nationale dans le programme. Ce n’était pas complètement le cas du premier programme, les projets étant issus d’une candidature de la collectivité locale, sur la base d’une ambition déjà structurée.

La deuxième évolution majeure est le pilotage des projets, désormais assuré par l’intercommunalité, impliquant une vision spatiale élargie et permettant une approche multi site, si l’agglomération compte plusieurs secteurs de projet. Cette nouveauté va de pair avec l’exigence renforcée d’articulation du projet avec les différentes politiques locales (contrat de ville, habitat, développement économique…).

Egalement, il ne vous a pas échappé que le NPNRU dispose d’une enveloppe financière de 5 milliards d’euros contre 12,5 milliards d’euros pour le précédent programme. Cette question financière est importante et c’est l’un des points sur lesquels l’Agence travaille avec l’évaluation de la soutenabilité financière des projets. L’objectif est d’éviter d’engager les territoires et les bailleurs sociaux dans des dépenses trop importantes comparativement à leurs capacités dans un contexte de pression budgétaire forte.

Se pose aussi la question de la taille critique pour « faire projet urbain » et dépasser le stade de l’opération dite de « grande réparation ». Lors du PNRU, le coût moyen d’un projet était entre 150 et 200 millions d’euros. Dans le NPNRU, cela reste à estimer.

Enfin, je soulignerais aussi la mise en place, dans les futures conventions, de la notion d’excellence des projets, reconnaissant un savoir-faire local sur une thématique particulière et ouvrant droit, suivant les cas, à un financement adapté.

Quels sont les impacts sur la façon de définir les projets locaux et quels sont aujourd’hui les sujets de fond à côté desquels les collectivités ne doivent pas passer ?

Dorénavant, un protocole de préfiguration doit être établi préalablement à la convention. Il permet de mener à bien les réflexions et les études nécessaires à la définition du projet. C’est là l’occasion de penser la vocation à 15 ans du quartier dans le fonctionnement de l’agglomération, une attente forte de l’ANRU. Cette vision élargie à 15 ans est maintenant attachée à la manière de faire son projet.

La question de la diversification des fonctions du quartier est un sujet de premier plan. Elle doit être plus prégnante qu’elle ne l’était jusque-là. Cela rejoint la notion d’attractivité du quartier, correspondant à la capacité à maintenir autant qu’à attirer les hommes et les capitaux sur un territoire. L’une des clés de la réussite des projets passera par la diversification des fonctions et l’accueil de projets économiques dans les quartiers, sans forcément qu’il s’agisse de projets lourds. C’est un savoir-faire encore peu maîtrisé.

Ensuite, l’une des clés d’entrée est le triptyque rénovation urbaine, peuplement et stratégie habitat. L’alignement de ces trois stratégies est le sujet transverse du moment, sur lequel nous devons travailler collectivement.

On pourrait aussi évoquer d’autres sujets clés que sont la démarche de projet urbain, de qualité architecturale, l’efficacité énergétique, la sécurité urbaine… qui vont prendre de l’ampleur dès lors que l’on aura passé le premier cap de la définition stratégique du projet et qu’il s’agira d’entrer davantage dans l’opérationnalité de la convention.

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Parlons méthodes et perspectives…

L’ANRU a fait école auprès des acteurs de la profession : non seulement les collectivités et les bailleurs sociaux, mais aussi les hommes de l’art, les grandes ingénieries, les experts… Ses méthodes sont également observées de près par certains pays. Nous avons capitalisé une expérience, un savoir-faire. Il faut continuer à innover, et finalement sortir du côté « aubaine » de l’ANRU, qui peut parfois encore être perçue de cette façon dans les territoires.

Au fond, les méthodes d’approche des projets initiées dans le NPNRU, peuvent encore être adaptées pour devenir en quelque sorte des « standards professionnels » à transmettre. Si l’on sait bien faire la rénovation urbaine, on doit pouvoir transposer la méthode, par exemple à l’échelle de territoires en perte de vitesse et d’attractivité. Si le NPNRU va à bon port, il a capacité à essaimer fortement.

Je voudrais à ce titre évoquer la question du marketing territorial, appliquée aux quartiers en renouvellement urbain. S’il est indéniable que les projets de rénovation urbaine ont permis de regagner une dignité pour les habitants, l’attractivité globale du quartier reste souvent à conquérir. Les concepts du marketing doivent aider à redonner une lecture positive du quartier aux habitants et par extension, d’identifier les supports d’une attractivité intrinsèque du quartier à l’extérieur. De nouveaux thèmes deviennent alors clés : l’école, la gestion urbaine…

Pour conclure, il me semble que l’on peut aussi mentionner les Programmes d’investissements d’avenir (PIA), une autre grande nouveauté de l’Agence. Il s’agit d’ouvrir le partenariat avec le privé : le co-investissement est en train de se mettre en place, ces nouvelles manières de travailler avec le privé vont assurément enclencher des évolutions intéressantes dans la manière d’aborder l’ingénierie de projet.

Quelles que soient les perspectives, la rénovation urbaine a mis sur ses fondations le renouvellement urbain et va continuer de faire école dans diverses disciplines et d’améliorer ses savoir-faire… J’ai la faiblesse de penser que l’on est qu’à l’aube de refaire la ville sur elle-même.

Propos recueillis par Cécile Bouclet et Claire Philippe